Alix Soulié

Le retour

Samedi 24 septembre 2011, dernière ligne droite

Je roule toujours jusqu’au lever du jour avec quelques pauses café bien sûr. Jusqu’à 7 heures du matin, Raphaël écoute l’histoire de ma vie, j’ai bon espoir de l’endormir. Je ne peux plus m’arrêter, mais Raphaël n’en profite pas pour dormir.

7h : Raphaël prend le volant, mais le sommeil s’impose.

8h : Aire d’autoroute, ah non, ça n’existe pas en Espagne, sortie d’autoroute. Une bonne heure de sommeil, on écrase inconfortablement.

9h : Comme je dors encore, Raphaël redémarre la voiture et repart, direction le premier café, pas évident tout est fermé. Chouette je vais pouvoir parler espagnol et reprendre la main pour la communication avant de quitter le pays.

9h30 : Défilé de Pancorvo, café baguette, pour ce qui est du reste le coffre est plein de victuailles : kakis, kiwis, pommes, rôtis, fromage, gâteau, tout y est.

Midi : La pluie nous attend à la frontière Espagne/France. Essence avant la France, j’enlève mes talons aiguilles et reprends le volant. Petit aquaplaning avant la fin de la pluie.

Le décor change directement. La France est là avec ses belles autoroutes botanisées aux couleurs de l’automne naissant. France Inter que j’attendais avec ses infos qu’on écoute en boucle. Déjà les chroniqueurs m’agacent. Je trace jusqu’à Muret. C’est si prés de la frontière finalement, et pourtant à deux pas de Toulouse.

15h : Raphaël reprend le volant car je serais bien capable d’arriver à Paris sans avoir vu passer Toulouse. Mais surtout (avant d’aller nous poser) me faire visiter « la ville rose » que j’ai abandonnée.

15h30 : Toulouse que j’ai quittée alors qu’elle renaissait à peine de l’hiver et que je retrouve folle d’automobiles, de gens et de chantiers bouleversant la circulation, sa place du Capitole aux couleurs du rugby et déjà quelques visages que je reconnaît.

16h : « Ça va merci Raphaël, merci » Nous sommes tous deux saoulés par cette agitation. Jean Jaurès, STOP ! La tête qui bourdonne, le corps rempli des vibrations de la route, difficile de monter une valise ou un cageot de fruits jusqu’à ses appartements. Je trébuche dans un lit pour une sieste de trois heures.

19h : Patates sautées, au chorizo et fromage du Portugal. Ce soir, il y a une soirée chez Raphaël et son colocataire Greg. Je ne serai pas de la partie, je retourne me coucher, Céline m’a confirmé que je pouvais venir chez elle dès demain, Raphaël a assez donné.

20h30 : Je m’endors pour une nuit de 13h. Demain c’est dimanche, mais je n’irai pas au marché, je ne sais pas ce dont j’ai envie, mais je ne suis surtout pas prête à voir les gens par hasard et tout d’un coup sur la place Saint Aubin. Pas envie non plus de rentrer dans ma campagne lot-et-garonnaise. Si Céline peut et veut me garder la semaine, j’avancerai incognito et doucement dans la ville en continuant l’administratif et ma réinsertion : inscription au RSA, demande de CMU, accès à l’épicerie sociale, contrôle médical de retour, cardiologue, psy…

Dimanche 25 Septembre 2011

16h : Raphaël dépose ses paquets encombrants chez Céline en lui souhaitant bon courage. Bye-bye Raphaël, t’es mal garé.

Chez Céline, je commence à me sentir mieux, être avec une femme est devenu apaisant pour moi. Céline a beaucoup voyagé, je me suis donc dit qu’elle saurait m’apprivoiser le temps que je planifie la suite, le temps que je sorte de cette inconnue.

Je pourrais continuer à écrire les jours qui suivent. En quelque sorte, le voyage ne s’arrête pas là et les rebondissements non plus, je crois que ma vie est vouée a être plus mouvementée ici qu’ailleurs. Mon contrat est tenu, j’ai même dépassé d’un jour. Le temps est à la digestion, à l’organisation pour la suite, à la réadaptation à cette ville, et bien que j’aie la sensation d’être en fin septembre 2010, l’évidence est là, un an est bien passé depuis…

L’heure est aux bilans

Bilan thématique du périple

« Les choix et les attentes qui rassemblent les femmes »

Une thématique qu’il aurait été difficile de ne pas voir et partager dans le quotidien de toutes ces femmes, je ne pouvais également qu’être au plus près du sujet en engageant ma vie personnelle dans ce périple.

Bilan rencontres

Plus de 400 personnes uniques et inoubliables à recontacter au plus vite aux 4 coins du monde. Autant de prénoms et de visages dans ma mémoire.

Bilan moral

Toutes les activités prévues ont eu lieu (rencontres, ateliers, entrevues, présentations publiques) d’autres supplémentaires se sont ajoutées tout au long du voyage.( plus de détails ci-contre à droite)

Bilan artistique

Toute la matière est là, ma table-valise est pleine, il ne reste plus qu’a l’organiser, piocher, choisir, le cheminement et les évolutions ont eu lieu, le laboratoire de création est en route.

Bilan émotionnel

Chargé, en veille, jusqu’à nouvel ordre en hibernation.

Bilan carbone

Pas glorieux, « le monde est un égout sans fond » et j’y ai contribué.

Bilan kilométrique

Équivalent ou à peine supérieur à une de mes années passées en France.

Bilan des pertes

Matériel : néant.

Humaine : … (no comment)

Bilan compta

700€ en poche au retour, à peine entamé le dernier emprunt. Le temps est venu de rembourser les autres.

Budget pour 201 jours (7mois) = 10200€

2500€ d’emprunt + 6200€ apport personnel + une équivalence de 1500€ d’aide sur le terrain des différents organismes d’accueil.

Dépenses = 9400€ soit 46€ /jour

5000€ tous billets de transport et visas soit 24€/Jour

2400 frais du quotidien soit 12€/ jour

2000 € de matériel dans les bagages soit 10€/jours

Bilan santé

Mon docteur n’a pas eu à faire d’autopsie ; entorse du petit doigt, douleur d’estomac qui a réapparu juste pour le retour, interruption définitive du cachet toxique contre la tension artérielle à condition de perdre les 4 kilos pris dans l’hiver latino-américain.

Bilan social prévisionnel

RSA, CMU, 410 € /mois, 13 € / jour (ça y est les 4kg sont perdus)

Bilan pathétique

Dans la virtualité de l’internet tout n’est pas très net.

Bilan Anomaliques

En 201 jours (7 mois), les vies de chacun ici ont bien bougé. L’équipe doit se reconstruire, l’aventure est loin d’être terminée et je n’aurais aucun plaisir à faire seule. Pour en tirer quelle gloire ? Bien sûr, le projet doit continuer dans sa globalité avec le spectacle qui va avec, les ateliers avec les femmes d’ici. Anomaliques avec un « S » à la fin, Anomaliques c’est aussi la possibilité d’accueillir un nouveau projet, pourquoi pas un homme avec sa chaise ? Oui et il y a l’idée de ce livre d’images et de récits, ce montage de vidéos récoltées, cette expo-photo transportable « A table ! ». La matière est là, il ne manque plus que le savoir-faire passionné et les financements. Pour ma part, j’ai un spectacle sur le feu, et là je ne pourrai pas tout gérer. Au pire, ça attendra la retraite. Toutefois, il est certain que si le tout est réuni dans les prochains mois, il y aura un sens à toutes ces énergies consacrées à cette aventure.

Bilan remerciements

Merci à toi, merci à vous, merci à toi aussi, merci toi, toi l’auvergnat, merci à mes secrétaires, à mes hôtes, à mes partenaires, à ceux que j’ai quittés, à ceux que j’ai (re)trouvés, à ceux qui y ont cru, à ceux qui y croient encore, à ceux qui ont prêté, à ceux qui ont donné sans compter, à ceux qui ont compté simplement, merci à Elles, merci à toutes, merci mon étoile, merci Bouddha, merci Jésus…

Mardi le 6 décembre 2011 à 19h au centre culturel Bellegarde de Toulouse : retour en image et en live (pour plus d’info cliquez ici)

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