Alix Soulié

Pérou

Jeudi 28 juillet 2011, Equateur/ Pérou.

5h30. Quoi ? Déjà Guayaquil !

Ah bon !

Bon, ben, j’ai cinq heures devant moi pour prendre un café, deux cafés, un hot-dog, une frite, deux frites, et tiens !… un autre café, dans un snack- station essence en face de l’office Ormagno où je dois prendre mon bus pour Lima.

10h : Je me pointe à l’agence. Quand ils me voient arriver avec mes bagages, ils se frottent les mains. Giovanni ne m’avait pas parlé d’un détail… Les bagages sont limités à cinq kilos en soute, et cinq à la main. Le surplus est de un dollar par kilo. Donc, 25 pour aller à 55, ça fait trente dollars. En plus des 70 dollars du billet. « Voilà ma p’tite dame ! ».

J’ai juste envie d’appeler Giovanni pour le pourrir.

Quand je lui ai demandé si c’était cher le bus express en deux jours, pour concilier son manque d’organisation, il a ricané et m’a dit que non. Il m’a vraiment prise pour une « gringa », tout ça pour caler deux ateliers dont je soupçonne maintenant un arrangement louche avec les organismes. Allez, j’oublie !

Je suis surtout profondément déçue de son comportement même si toutes les rencontres en Équateur se sont plutôt bien passées. Je suis de bonne nature mais j’ai le grand défaut de faire confiance. Juste, on ne me le fera pas deux fois.

11h30, Départ.

12h30, Déjeuner à bord.

13h : Je me sens mal, comme asphyxiée.

13h15 : STOP, il y a un incendie dans les soutes, enfin, ça fume, et ils ne décident de sortir l’extincteur qu’à 13h30 quand les flammes jaillissent ! Il leur faut cinq minutes pour le trouver ; le feu est maîtrisé, les bagages sont recouverts de poudre blanche mais intacts. Nous allons patienter à l’ombre d’une maison au bord de la route et les habitants, sympathiques, nous invitent à nous asseoir et nous désaltérer.

14h00 : Nos bagages sont donc tout blancs. M’en fout les miens sont imperméables. On repart sur la route. Des voyageurs montent, d’autres descendent. Je dors, j’écris, je dors, j’écris, je dors.

Vers 16h00, on passe la frontière, rien d’exceptionnel, la routine, et un marchand de glaces qui me font envie…Mais je n’ai plus un dollar.

Ah si ! Je me rappelle qu’au deuxième poste frontière, deux américaines sympathiques : une grande brune qui parle trop vite espagnol et une petite brune plutôt discrète ont attiré mon attention. Malgré elle, la petite avait un corps plutôt bien proportionné mais une poitrine si énorme que les hommes et même les femmes en restaient bouche bée quand ils la croisaient.

Moi j’avais mal pour elle, ses seins étaient si lourds qu’elle avait le dos bossu, comme si personne n’avait pris soin d’elle en lui expliquant comment gérer tout ça.

Ah ! Plus jamais je ne me plaindrai des miens, presque quatre fois plus petits, pour ceux qui les connaissent, c’est dire ! J’ai hésité tout au long du voyage à aborder le sujet avec elle.

20h00 : Plateau repas servi par l’hôtesse qui jongle à chaque virage. Puis je me suis endormie après un film sans son (le système avait été endommagé par l’incendie), l’histoire d’un type qui se coupe le bras pour sortir d’une crevasse où il est tombé. Sans le son c’était vraiment lourd.

Vendredi 29 Juillet 2011 PEROU

7h00 : J’ouvre les yeux, le bus roule toujours. Petit-déjeuner, petit, trop petit : un biscuit, un thé ! Il faut absolument s’arrêter, j’ai faim. D’autant qu’il n’y aura plus de service jusqu’à l’arrivée prévue à 15 h00.

9h00 : Par chance il y a un souci avec une roue, ce qui me permet de m’échapper du bus pour un riz, patates, poulet, c’est un petit-déjeuner ça !

9h30 : Redépart

10h00 : Reproblème de roue

10h30 : Redépart

11h00 : Je m’endors mais ma place est juste au dessus des chiottes chimiques où l’hôtesse jette un paquet d’acide bleu toutes les quatre heures. Je me réveille dans les vapes au bord d’un ravin qui surplombe le Pacifique : MAGNIFIQUE ! Le crâne me serre, je comprends pourquoi j’étais mal aussi en Asie : c’est des grands malades qui manipulent de l’acide sans se soucier de la toxicité de ce produit. Je signale à l’hôtesse leur inconscience et l’invite à lire les notices des produits qu’ils utilisent ; elle est désemparée et semble me croire vu la gueule que j’ai.

16h00 : Arrivée au terminus. Je suis intoxiquée, même si j’ai changé de place, j’ai respiré pendant plus de 24h00 ces acides + les premières fumées de l’incendie. La place idéale. Quand j’arrive enfin à descendre du bus, tous les passagers époussettent leurs bagages recouverts de la poudre blanche de l’extincteur. Tout doucement je me ré-oxygène et tire mes bagages jusqu’à la sortie où je vois une petite tête brune qui me dit : « Alix ? « . C’est Patti, une toute jeune volontaire de l’asso « Mano a mano ». Elle a 22, 23 ans, ça fait une heure qu’elle m’attend. Dans le taxi je tente d’être loquace mais je suis dans les vapes.

17h00 : « Mano a mano », une maison en brique vernie sur deux niveaux. Les chiens sont là, quatre, ils veillent. Je me laisse guider, Maireine prend la relève de Patti pour mon accueil et me fait visiter. En fait je ne me souviens plus, seulement on me prend par la main et on me guide à la découverte du cœur de l’association construit par les femmes constructrices. C’est la maison en construction qu’on voit dans la vidéo (cliquez ici). Un bijou fait avec amour, tout est en matériel de récupération sauf le ciment et les briques. Le carrelage, mosaïques de chutes multicolores bien assorties. Les portes en parquet recyclé posé sur cadre ou récupérée dans des styles mélangés. Tout est simple : juste l’essentiel. J’arrive à l’heure où tout le monde s’en va, enfin pas tout le monde il y a toujours quelqu’un de jour comme de nuit. Pour la sécurité du lieu. Dans cette cité résidentielle la vigilance est de mise, surtout pour une association franco-péruvienne.

19h00 : La maison est calme, enfin avec ambiance chien qui aboie. Je peux me connecter, j’ai quelques mises au point à faire pour pouvoir avancer. Puisqu’on ne me dit pas les choses clairement, je vais poser des questions claires. Voilà, c’est fait, là on peut me répondre clairement…

20h00 : Olga m’a préparé le dîner, c’est trop, qu’est-ce qu’on mange en Amérique Latine !

21h00 : Hop au lit. Dans ma petite chambre faite pour moi, j’accroche mon armoire déroulante sur le lit du dessus et déballe sur la table mon bureau.

Samedi 30 juillet LIMA

7h00(14h00 en France) : Je saute du lit pour lire mes mails. Au fond de moi je suis déjà guérie mais j’aime que les choses soient claires. Non je n’ai pas fabulé, je garde secrètes nos correspondances, mais elles sont bien le signe de vos faiblesses, monsieur ****. Heureusement j’ai d’autres préoccupations. Je garde tout ça pour mon prochain roman sur les hommes, après les femmes, les hommes. Bah ! J’aurais pu m’envoyer en l’air sans scrupules, ce ne sont pas les occasions qui manquaient. Pfff, en même temps je n’avais pas le temps, ça attendra !

Faut dire qu’au grand dam de ma mère, je ne fais qu’agrandir ma collection, peut-être me faudra-t-il deux tomes. Oui de beaux spécimens, un voyage autour du monde ne me fera pas plus rencontrer la perle rare. Enfin, je garde toutes ses expériences sous le coude, ça promet !

– Mais oui tu leur en demandes trop à ces pauvres créatures, tu les prends pour des femmes mais ce ne sont que des hommes fragiles.

– Oui mais je suis polie, je les préviens toujours, le menu est toujours présenté avec l’assaisonnement. Et ils disent toujours « Même pas peur, j’aime épicé, le menu, on verra après »

– Oui OK je suis fleur bleue, le « on verra après » me semble toujours plein de promesses.

Le seul truc embêtant c’est qu’après, ben moi, il me faut seulement 24 heures pour guérir. Mais alors, je suis devenue une pro et je digère très bien sans rancune, mais surtout sans possibilité de retour, j’y peux rien c’est chimique.

8h00 : Ma parenthèse finie, un peu longue mais essentielle dans ce voyage, je retourne me coucher soulagée, le sourire aux lèvres après avoir envoyé un mail à Raphaël, le chargé des relations internationales d’Anomaliques. Il ne donne plus signe de vie, depuis notre engueulade via Skype à Ambato il y a quatre jours. J’ai vraiment dû l’énerver, il a du partir en week-end.

10h00 : J’ai bien dormi ! Ça que oui ! Ici c’est la saison morte, il n’y a pas grand monde. Olga s’agite dans tous les sens, elle range, elle lave, elle ramasse les conneries des chiens qui passent leur temps à déchiqueter tout ce qu’ils trouvent. Discuter avec quelqu’un qui s’agite autant, je ne tiens que 10 minutes toutes les trois heures. Je la découvre petit à petit dans différentes activités.

Journée d’atterrissage, mails, connexions avec la France, déjeuner avec Olga, mails, pas de nouvelles de Raphaël, bon, au lit !

Dimanche 31 juillet LIMA

7h00(14h00 en France) : Toujours pas de nouvelles de Raphaël. Bon ben faut dire que depuis plusieurs semaines je ne suis pas très gentille, et ben là le connaissant, il est parti en week-end à la campagne sans moyen de communication.

Je dis quelques semaines mais en fait ça fait cinq mois qu’il est mon correspondant quotidien. Il supporte tous mes états d’âmes et il pourrait même écrire dans un contre-journal « J’ai voyagé dans son ordinateur portable ». Je passe ma matinée à lui écrire ce mail qui retrace ce long voyage dans lequel il m’a accompagnée. L’occasion de faire un autre genre de bilan. J’aime bien l’idée de faire des bilans les week-ends sans obligations.

12h00 : Nouvelle heure de bilan. Mareine m’a donné rendez-vous pour planifier le séjour chez « Mano a mano ». Mon agenda est vide, je dis oui à tout et j’en redemande. Mareine me plaît tout de suite, on se comprend très bien et quand les choses sont claires, on passe à autre chose.

14h00 : Déjeuner : au début je croyais que la cuisinière ne cuisinait que pour moi, en fait il y a aussi en terrasse une petite cantine plus calme le week-end. Mais comme je ne suis pas sortie de la maison depuis mon arrivée, je n’ai pas eu l’occasion de croiser cette clientèle. Mareine est dans son bureau, moi dans le mien (le salon tout entier d’où j’entends les bruits et les discussions de la maison).

18h00 : Je descends prendre un café, Olga est revenue et elle est déjà très active.

21h00 : J’avais raison, Raphaël était allé prendre l’air : son travail, qu’il ne m’a toujours pas expliqué, + Anomaliques ++++ en plus il est gémeaux, alors faut pas trop l’énerver. Allez tout va bien on se calme, le week-end était bien requinquant pour tout le monde, maintenant au lit : demain, ça commence.

Lundi 1er Août 2011 LIMA

7h00 : Hop, deux œufs, du riz et un café.

8h00 : Olga rentre chez elle à la Ensenada, à coté du chantier où j’ai rendez-vous avec les femmes constructrices. Nous partons donc toutes les deux, l’occasion de voir la route à suivre : au bout de la rue à gauche puis à gauche à l’arbre qui n’en est plus un, y en a pas ici d’ailleurs. On longe un terrain vague, un terrain de football et une immense dune de terre, puis on saute dans un micro-bus qui prend les passagers à la criée et à la volée. Avant de sortir de la maison j’ai bien lu les recommandations accrochées au mur de ma chambre. Je me fais discrète mais là on est assises tout devant, dos au chauffeur et face à tous les autres passagers. La capuche sur la tête, j’ai pas pensé à mettre des lentilles marrons ou noires pour camoufler mes yeux bleus. Les réactions sont plus fortes qu’en Asie, il faut dire que l’endroit n’est pas du tout touristique, les yeux plongent dans les miens comme des déséquilibrés. Nous parlons très peu avec Olga ou très doucement. Et je baisse petit à petit le menton, comme si je n’avais pas le droit d’être là. Arrêt Plo : le grand carrefour (marchés, crieurs, casinos, machines à sous, ici il y a tout.). Changement de bus « cuidado ». Olga semble plus inquiète de moi, la peur des autres me fait vraiment flipper mais je ne me laisse pas envahir par cette peur contagieuse. Je n’ai rien qui dépasse, juste une gueule de gringa et un manteau violet mais foncé. OK, j’aurais préféré vert mais y avait pas ma taille chez Décathlon. Et là, à l’arrêt de bus on trouve Julian (un des rares garçons de l’asso, je l’ai déjà vu ce week-end mais ce garçon n’est pas loquace et est un vrai courant d’air, on ne sait jamais vraiment s’il est là). Il en profite pour m’expliquer le chemin du retour : reprendre le mini-bus dans l’autre sens pour ce soir, il faut tendre l’oreille au milieu de ces crieurs en tous genres, et si l’un d’entre eux crie : «trapitche » je grimpe dans le mini-bus. Surtout « dans la nuit, ne pas passer par les terrains vagues mais prendre la rue éclairée, OK !? ».

Olga est partie de son coté, c’est donc avec Julian que j’arrive en bus en bas de cette colline rouge. On grimpe par des chemins de cailloux et quelques escaliers. Il m’explique l’historique des lieux que l’on traverse.

8h30 : Les filles sont déjà au boulot depuis un moment, elles m’attendaient, les présentations sont rapides, je me colle à une tâche et Julian est réquisitionné pour le coffrage du prochain morceau de mur, il faut dire qu’elles font toutes moins d’1m60.

Je suis très intimidée. Dans mon planning, nous avons programmé deux jours de chantier. Comme d’habitude j’observe, je fais, j’essaye de retenir les noms. Je n’arrive à m’en sortir qu’avec des moyens mnémotechniques comme pour les nouveaux mots, et ça marche, sauf si je trouve pas de moyens mnémotechniques.

12h00 : C’est la pause, tout est rangé, lavé, pas un outil ne traîne et hop, nous glissons avec Gloria par de petites pistes étroites jusqu’au « comedor » qu’elles ont construites . On retrouve leur signature : un travail fait avec amour, la finition brique vernie et les crépis béton teints dan(s ce même vert qui tire vers le turquoise. L’intérieur est en mosaïques de carrelage.

Après la soupe, elles me servent un plat de riz, de céréales et de viande. Non, là c’est trop, je force Gloria à partager avec moi, elle n’a pris qu’une soupe, elle.

13h00 : Retour sur le chantier.

Sur le chemin on aperçoit le grand mur de quinze mètres sur neuf qui soutient le haut de la colline où elles ont construit la bibliothèque. C’est juste dingue ce qu’elles ont fait là.

Arrivée sur le chantier du stade, l’équipe est plus petite mais bien organisée.

Dans l’organisation pédagogique il m’a été demandé de changer et d’apporter aux filles des règles de sécurité sur le chantier. Ben là, je vois pas ce que je peux leur dire. Elles ont beau n’avoir que le strict minimum pour travailler, elles font tout en douceur, avec vigilance, le seul truc qui leur manque, c’est des gants en taille 6, et ça je sais de quoi je parle, j’ai le même problème en France, et des chaussures de sécurité en 35 36 37 38.

Le mur monte, Gloria a une ceinture de force. Elle me dit que c’est préventif mais je vois bien que ça tire. J’inclurai dans l’atelier des mouvements d’étirements qu’elles pourront faire dans la journée, pendant que le ciment tourne par exemple.

Je les regarde travailler dans la précision de grands chefs de cuisine, la façon dont elles préparent le ciment, la douceur avec laquelle elles se parlent. Chacune semble avoir sa spécialité sans qu’il y ait de chef. Si ça râle une seconde ça se transforme en moquerie générale et tout est désamorcé. Quand on a besoin de quelque chose il y a toujours un « Senora » solennelle et le prénom ensuite. Elles construisent ce mur alvéolé pour retenir les balles de ce stade perché sur la colline où des enfants jouent déjà au volley-ball et au football avec de simples vieux filets de retenue.

Il faut que je rentre avant la nuit sinon je ne vais plus avoir mes repères et puis il faut bien que j’intègre que je suis une « gringa » aux yeux bleus.

17h30 : J’aurai dû quitter depuis trente minutes. Olga est là. Elle est mandatée pour me raccompagner ce soir. OK, super !

18h00 : Mission accomplie. Elle repart dans l’autre sens et rentre chez elle. Ce soir c’est Cécilia qui est de garde à la maison. Comme je cours dans mes appartements pour me décrasser, je croise un jeune barbu qui m’interpelle. Je le salue sans y prêter attention, mais il me demande en français si c’est moi la fille qui fait le tour du monde. Alors ça on me l’a jamais fait ! Je suis limite désagréable comme si ça ne me concernait pas. Je descends en cuisine me faire chauffer de l’eau car les salles de bain sont parfaites mais l’eau chaude n’est pas une pratique courante ici, et comme c’est l’hiver, je me fais mon petit baquet d’eau chaude à l’ancienne. Ça fait rêver, non ?

20h30 : Je dîne poliment avec le petit français, puis petit à petit je comprends que ce n’est pas un touriste de passage. Il est là depuis quatre mois et il revient d’une pause vacances. Il connaît bien les filles, c’était leur professeur de maths.

Mathieu a 23 ans, il est venu faire son stage de fin d’étude chez « mano a mano », une tronche avec un cœur accroché, il l’avait sûrement grand avant, mais je pense que l’expérience avec les filles lui a donné un grand boost dans sa vie. Sa vision masculine de ce monde machiste m’intéresse.

21h00 : Au lit.

Mardi 2 Août 2011 LIMA

7h00 : Œuf, pain, café

8h00 : Départ avec Cécilia

8h30 : Chantier, un garçon avec les abeilles : David, il a 18 ans, c’est un peu leur mascotte. Ça y est, le feeling avec les filles est là. Je crois que nous sommes aussi contentes les unes que les autres d’être ensemble.

11h00 : Pause : une femme vient avec ses boules de purée de « papa » farcies et frites. Je prends note de la recette.

Quelques seaux de ciments en plus, on range et au « comedor »

12h00 : Comedor. Toujours aussi copieux.

13h00 : Difficile de lancer les seaux de ciment en haut du mur où Gloria réceptionne pierres et ciment à sa demande, nous suivons son rythme. Avec Soucis et Esther nous faisons le mélange eau, ciment, sable dans la bétonnière. J’explique à Soucis ce que veut dire son prénom en français, la coïncidence est que Soucis à les cheveux blancs. Ça blague sur le chantier mais ça avance. Si la livraison de ciment n’arrive pas, on aura fini pour aujourd’hui, mais si, un camion de livraison arrive.

« Une bétonnière de plus et j’y vais les filles, cette fois je rentre seule et la nuit tombe vite. »

17h00 : Descente de la Ensanada, bus bleu, Plo, microbus, Trapitche, rue calme, seuls les chiens l’occupent avec le vigile à bicyclette qui fait sa ronde en signalant son passage avec un sifflet tous les cinq mètres. La nuit tombe.

17h30 : Maison, connexion, baquet d’eau chaude, dîner avec Mathieu,

20h00 : Film : « La cité des dieux » qui traite des favelas au Brésil. Merci Mathieu, quelle bonne idée, c’est rassurant. Ça m’empêchera pas de dormir, ces deux jours de chantier m’ont tués. Ça fait presque un an que je n’ai pas mis les pieds sur un chantier. J’avais oublié l’effet somnifère.

Mercredi 3 août 2011 LIMA

7h00 : Pas moyen de dormir

9h00 : Microbus avec Mathieu qui doit faire ses achats à Lima avant de rentrer en France. Il m’accompagne à l’Alliance française où j’ai rendez-vous avec Mathias pour faire le point sur l’organisation de la soirée de présentation.

11h00 : Rencontre avec Mathias, visite de l’espace où aura lieu la soirée. Il est très efficace, hop, hop, hop, c’est plié.

11h30 : Mathieu est synchro, il a fait ses achats et m’accompagne acheter mon billet de bus LIMA-LAPAZ ; comme ça c’est fait.

13h00 : Pause déjeuner dans le centre historique, promenade, poste et retour à Trapitche.

16h00 : Maison « Mano a mano » : je fais part aux filles des modifications de dates décidées à l’Alliance française.

18h00 : Mathieu m’accompagne à mon premier atelier avec ma table.

19h00 : Les filles sont super nombreuses et en plus il y a des mecs. C’est super agaçant, si je donne des limites, c’est que j’ai mes raisons : l’espace est petit. Je veux bien m’adapter mais il y a des limites. Comme je leur explique cela en stoppant l’atelier, les garçons ne semblent pas comprendre, pourtant je suis claire. Mathieu qui estime ne pas être indispensable pour la traduction sort et les emmène avec lui dans une salle de cours à coté.

21h00 : Fin de l’atelier, je suis remontée pour l’organisation mais contente pour cette première rencontre. Retour à Trapitche avec Mathieu.

22h00 : Cécilia nous a préparé la soupe. Je peux râler en français, merci Mathieu, ça soulagera Raphaël, l’occasion de débriefer avant d’expliquer mes problématiques aux filles en espagnol. Souvent quand je râle, c’est pour mieux me préparer à une discussion diplomatique.

Jeudi 4 Août 2011 LIMA

Matinée blog avec Flavie.

Après-midi blog avec Raphie

19h00 : Atelier avec le deuxième groupe , plus de monde que la veille. Comme je m’en doutais, je ne me suis pas fait comprendre et le bouche à oreille a bien fonctionné, on est presque 16, je fais ma colère. Mes arguments sont clairs : concentration et travail individuel impossibles, espace réduit et mon espagnol pauvre.

21hOO : Je rentre dans la nuit, seule, la tête dans la capuche et les mains dans les poches. Tiens je m’achète du chocolat et des cigarettes, voilà ! Ça me calmera. Fuck, fuck, fuck.

22h00 : On m’attend pour dîner à la maison, j’adore !

23h00 : Soirée photo avec Mathieu, l’occasion de voir ce que je ne verrai pas du Pérou.

Vendredi 5 août 2011

Debout à l’aube, nous avons été réquisitionnés avec Mathieu.

9h00 : Rendez-vous à la Ensanada avec les filles pour récupérer l’artisanat de l’asso avec ma table. Une intervention sur la place de Puente Piedra, la commune dont dépend la Ensanada. Je profite du voyage en bus pour faire part aux filles de mon mécontentement concernant les ateliers.

11H00 : Les filles installent la table d’artisanat avec Mathieu qui fait l’attraction. Il faut que je trouve un endroit pour me changer, pas besoin de chercher bien loin, je m’installe sous ma table avec un mur de moquette tout autour. L’espace est petit mais cosy.

12h00 : Je sors de sous ma table et m’en vais sur l’avenue avant de revenir prendre place sur la place.

Au cours de cette présentation des moments magiques se produisent. Une foule s’est très rapidement rapprochée par curiosité. Le spectacle de rue n’existe pas ici. J’entends les filles rire du début à la fin, elles me racontent après que les hommes avaient la mâchoire qui tombait. Au final j’ai fait pour la première fois la manche avec ma chaussure ; Nous fermons boutique, je suis cuite j’ai tout donné.

14h00 : Mais la journée n’est pas finie, il faut ramener le matériel à la Ensenada.

16h00 : Je me retrouve à la maison pour faire une sieste avant de retourner auprès des filles pour le troisième atelier. Mais non, paf, une réunion s’impose avec Marienne, Sokolo et Marieka, la réunion est exactement comme je l’attendais, efficace et constructive.

17Hoo : Je réclame une sieste mais après une réunion, vas-y pour t’endormir !!! C’est mort !

18h00 : Bus .il faut récupérer la table dans les locaux du bas pour remonter les chemins de cailloux. Le chariot de Bangkok tient toujours le coup. Mais jusqu’à quand ?

19h00 : Troisième atelier, moins de filles, on arrive enfin à quelque chose.

21h00 : Bus.

22h00 : Maison ,soupe.

22h30 : J’écrase direct.

Samedi 6 juin 2011 LIMA.

06h00 : COCORICO !!!!!!!! Oui il y a un coq et ses poules sur la terrasse du toit.

07h00 : Je suis en retard à Plo où Maireine et Rosario m’attendent pour une matinée dingue avec un groupe de quarante personnes. Comme mon ordinateur est de sortie, j’effectue une sauvegarde qui dure plus longtemps que prévu.

08h35 : LIMA centre, IRFA où le grand groupe m’attend pour une conférence atelier.

L’IRFA, c’est une sorte de fédération (si j’ai bien compris), différentes associations qui ont une action pédagogique d’enseignement parallèle dans différentes zones en difficulté de LIMA. Les quarante personnes en question sont des professeurs bénévoles. Ça fait une semaine que je prépare cette rencontre dans ma tête. Au final quatre heures de conférences avec exemples pratiques d’exercices dans l’espace. Je suis à fond, et cette nouvelle expérience m’enchante. Le tout en espagnol. Je recadre même ces grands enfants, avec l’aide de Maireine. Le groupe est mixte. Rosario m’aide à traduire quand j’ai des baisses de tension. Elles commencent à me connaître, ce qui facilite les échanges et la communication. Mon auditoire me prend pour une folle, mais a l’air de bien accrocher. Je suis incroyablement surprise de l’aisance que j’ai acquise au fil de ces derniers mois.

13h00 : Les filles de Mano a Mano ont apporté le déjeuner pour tous. L’occasion de ne pas partir brutalement, de discuter plus longuement, d’écouter leur démarche et leurs envies de transmettre cette même envie a leurs élèves.

14h00 : Retour en bus avec Maireine, on est claquées !

16h00 : Mathieu rentre en France, un taxi vient le prendre devant la maison. De le voir rentrer commence sérieusement à me faire penser à mon retour. « Allez va t’en moi je vais dormir un peu ! Bye Bye beau gosse ! »

18h00 : Réveil, microbus, bus bleu, petite marche dans les collines du bidonville qui s’illuminent.

19h00 : Atelier, très bel atelier.

21h00 :Sokoro me raccompagne au carrefour de Plo et m’emmène dans le marché et la galerie marchande. Elle veut me montrer la modernité de ce quartier. « Oui le lieu est surprenant, pas bien différent de nos centres commerciaux, mais ici c’est un monde parfait au milieu d’un autre. C’est très curieux de rentrer là-dedans. En général je ne suis pas dépensière, je n achète que ce dont j’ai vraiment besoin dans un supermarché. Ben là, j’ai vraiment besoin de rien ! On ressort les mains vides, elle repart en direction de chez elle et je rentre à la maison.

22h30 : Cecilia commençait à s’inquiéter. Nous dînons ensemble, fin de journée au lit !

Dimanche 07 Aout 2011 LIMA .

09h00 : J’ai réussi à dormir jusque-là, enfin à rester allongée sans bouger. Je tends mon bras et c’est parti : dans mon lit séance internet pour les affaires courantes. Ça n’avance pas pour Madrid, ma correspondante a de bonnes pistes, mais rien ne se valide.

11h00 : Une soupe, pas le moral, je range ma chambre, ça va mieux !

Après-midi affaires courantes, écriture, visionnage des vidéos de « mano a mano » que Sokoro vient de m’apporter.

19h00 : Affaires courantes, interview de Cecilia en cuisine, au lit sans manger, je hais les dimanches.

Lundi 08 Aout 2011 LIMA

08h00 : Ordinateur, photos, mails, organisation, point, classement des affaires courantes.

16h00 : Blog avec Radegonde, mauvaise sauvegarde.

17h00 : On remet ça.

18h00 : Décollage difficile avec Monica et Fidela pour le dernier rdv du premier groupe.

19h00 : Atelier, ce qui se passe dans cette séance est encore une fois unique, les filles n’ont aucun code théâtral, elles sont elles-mêmes et jouent le jeu avec leur timidité ou pas.

21h00 : Retour a la maison, Olga m’a préparé mon souper, et au lit !

J’aime le quotidien intense qui s’est mis en place, je me sens bien ici.

Mardi 9 Aout 2011

9h00 : Bonjour et café en cuisine. Il y a du monde, Olga est déjà partie et c’est Diana et Fidélia qui ont pris la relève en cuisine pour préparer le plat du jour du restaurant. Fidéla est mal, c’est viscéral et violent, elle part aux urgences.

10h00 : Réunion Skype avec Sabrina, ma correspondante de Madrid.

11h00 : Réunion récréative avec Raphaël, via Skype. Il réussit quand même à me glisser une ou deux informations pour Anomaliques.

13h00 : Déjeuner lentilles sur l’ordi, ici tout le monde fait ça, à l’heure du déjeuner pas moyen de manger avec ceux des bureaux, ils ont déjà mangé sur leur ordinateur. Blog photos.

14h00 : Il faut que je bouge avant trop tard afin que la lumière soit bonne si je veux tout voir des installations de « Mano a mano ».

15h00 : Je fais le tour des bâtiments de l’association, un coucou aux filles sur le chantier, en quelques jours le mur a bien avancé. Visite en photos.

16h00 : Interview de Rosario à la bibliothèque.

17h00 : Interview de Sylvia à la ludothèque.

19h00 : Dernier atelier du dernier groupe. Difficiles les filles…

21h00 : Quand elles me voient rentrer avec ma table dans la nuit, elles me signalent que c’est dangereux, elles me font flipper.

22h00 : J’arrive à la maison sans embûches. Après le dîner, interview d’Olga.

23h00 : Et hop ! Au lit.

Mercredi 10 août 2011 : LIMA

Matinée à traîner sur Skype, et à discuter en cuisine.

Je prends mon temps mais il ne faut rien oublier, ce soir c’est la présentation à l’Alliance française.

Je suis attendue pour déjeuner, les filles me hurlent de partir toutes les 5 minutes.

11h30 Décollage avec ma table.

Plus de deux heures de bus pour arriver à l’Alliance Française.

14h00 Déjeuner puis rencontre avec le directeur Paul -Elie Levy et Matthias.

Rencontre très riche et instructive, chaleureuse et authentique, pleine de promesses.

Il s’excuse de ne pouvoir être là ce soir, un autre événement le retient.

Je mange la spécialité de Lima : le poisson cru au citron. Mais le serveur insiste pour que je prenne la boisson alcoolisée qui l’accompagne. Lorsque je me lève je suis saoule. Paul m’avait prévenu.

D’ici 19h00 ça ira mieux!

Entre 15 et 18h30

Nous mettons en place la soirée, espace, et toute l’organisation technique avec Matthias, le temps de dessaouler.

18h30 Comme je sors dans la cour pour rejoindre ma loge, je vois toutes les filles sagement assises autour de la fontaine. Elles sont apprêtées pour l’occasion, c’est très émouvant bien qu’elles ne soient pas toutes là. Je leur présente Matthias et les fais entrer dans la salle blanche. De grands tableaux sont accrochés au mur, où le plancher est verni et où les chaises noires sont en place.

J’ai dix minutes pour réorganiser leur présentation avec celles qui sont là. Et dix minutes pour me mettre en costume. Elles prennent place dans le public et attendent.

19h15 Mon entrée.

Je suis si heureuse de leur montrer mon travail ! Je me sens bien. Juste quelques bleus sur les cuisses, reste de la dernière présentation.

Comme dans toutes les présentations il y a un objet qui se rebelle, mais c’est toujours un prétexte intéressant pour trouver de nouvelles directions. Mais là j’ai carrément roulé ma tour Eiffel à l’envers et les huit minutes se sont transformées en vingt, peut-être trente. Emmêlage dans les sangles, lutte dans des positions improbables d’où je pensais ne jamais me sortir, et tous ces yeux rivés sur moi qui pensent que tout est orchestré.

Les filles se présentent pour la première fois devant un public, les deux groupes ont une énergie différente et touchante. Il y a celles qui font les souffleuses pour aider celles qui sont perdues, puis celles concentrées qui vont au bout quoiqu’il arrive.

Avec une légère paralysie générale elles sont bouleversantes; de passer après moi les rend plus sérieuses qu’au cours des ateliers qui étaient plus ludiques.

Pour finir je signe le beau mur blanc avec mes pieds noircis au cours de la scène du petit four.

Nous finissons la présentation par des questions -débats illustrés par mes photos de voyage projetées sur ce vieux mur. La soirée a duré le double du temps prévu, du coup à peine le temps de s’embrasser, de faire des photos, de boire un verre, de plier la table, de se dire : hasta luego mujeles !

22H00 Bus, arrivée à la maison, au lit.

Jeudi 11 Aout 2011 Lima

Rangement interminable, je suis bien ici, je veux plus partir !

13h : Déjeuner avec Maireine et sa maman qui travaille à l’asso. Et jusqu’ici, je n’avais pas fait le lien entre elles. En cuisine Diana m’a préparé la spécialité poisson cru au citron, c’est Sokoro qui a fait la demande pour moi la veille mais elle ne travaille pas aujourd’hui et ne partagera pas ce plat avec moi, de tout façon je crois que les filles n’aiment pas les « au revoir ».

Après-midi classement de photo

Entrevue avec Maireine avec qui j’ai une grande complicité ici.

19h : Dernier dîner avec Olga…

20h : Fin des bagages

00h30 : Réveil en mode je sonne à 6h du mat et au lit.

Vendredi 12 Aout 2011

6h : Un œil…

6h30 : Les deux.

7h : Le Taxi arrive dans cette rue déserte. Bye-bye Olga. Je quitte cette maison, cette ville, et toutes ces femmes dont je ne vous ai livré qu’un centième très superficiel.

8h30 : Terminal Bus Ormagno : pesage des bagages, cette fois je la joue discrète avec mon bagage à main, je ne paierai cette fois que 20$ de bagage sup, sauf qu’ils ne veulent pas de mon billet parce qu’il n’est pas neuf et un peu froissé.

« Mais il est pas faux mon billet et j’ai que celui-là en dollar !!! Combien ça fait en Soles? … Bon ben en soles alors ! C’est juste ce qu’il me reste, je mangerai des cailloux, si personne ne veut mon billet de 20$ !! »

9h 45: Le bus part enfin, sortie de Lima c’est direct le désert et l’Océan.

12h : Pause déjeuner : une soupe avec les 3 pièces qui me restent en poche.

13h : A nouveau un désert infini sur lequel le jour se couche et modifie de minute en minute ses couleurs. Je m’endors dans des odeurs variées et fortes de passagers peu soucieux de ce détail, plus on avance, plus c’est fortement concentré avec en plus l’acide des chiottes qui est encore mal dosé. J’écris je dors j’écris je dors… et le bus avance sur des lignes droites et désertiques vers l’inconnu.

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